QUEL EST AUJOURD'HUI L'ENVIRONNEMENT DU MANAGER ?
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- Management : Approche humaine ou stratégique (2/5)
- Management : et s’il suffisait d’avoir du charisme ? (3/5)
Nul ne niera que le monde est complexe. Cette affirmation n’est assurément pas un déclin vers un pessimisme affiché, mais bien au contraire une manière de mieux percevoir une réalité à affronter. Les obstacles sont par nature contournables, à condition de les identifier, d’en mesurer les enjeux et de les analyser suffisamment pour mieux les appréhender.
A fortiori, cette complexité se vit également dans le monde de l’entreprise, pourtant si souvent structurée, mais tellement ancrée dans des modèles anciens d’un travail contrôlé, mesuré, performé… et éprise de fonctionnement managériaux toujours idéalisés. (Articles précédents). Résultat, quel est cet environnement dans lequel un manager doit-il se faufiler pour réaliser sa mission ?
La complexité des structures
Les entreprises sont de plus en plus organisées sous la forme de la structure matricielle, celle qui découpe l’entreprise en unités, par types de produits ou services, de clientèles, de services fonctionnels. Cette décentralisation permet de gagner en flexibilité… en dispersant tout autant les ressources et créant des rivalités de performance. Ainsi, cette complexité structurelle opacifie la chaîne hiérarchique au point que bien souvent, les managers ne savent plus vers qui faire « remonter » les problèmes, lesquels finissent par ne plus être traités.
On peut comprendre ce sentiment, qui remonte souvent des audits externes, celui de l’impuissance à opérer (en sociologie comportementale, on parle de l’impuissance acquise). Pire, de plus en plus de managers travaillent mécaniquement, convaincus que quoi qu’ils disent ou quoi qu’ils pensent ils ne seront pas entendus ! Comment s’étonner alors de leur relâchement ?
La solitude
Ne pas être écouté, ne pas être entendu, c’est de là que nait cet autre sentiment, celui de la solitude. Celle-ci se construit d’ailleurs à différents niveaux. En lien avec la complexité des structures, il devient souvent difficile d’être identifié (identifiable) dans la transversalité des services. Du coup, se posent encore des questions de légitimité face à l’autre, de pertinence face à ses propres besoins. Et c’est un nouveau repli et même un frein à l’avancée de la mission. D’ailleurs, cette réalité met également le doigt sur la mauvaise définition des rôles (dont le flou permet justement de mieux « garantir » cette flexibilité attendue des cadres. Les fiches de poste devraient davantage être réécrites, circonstanciées, précisées…
Cette solitude s’instaure également dans la difficulté à partager ce vécu. Auprès de qui un manager peut-il se confier dans sa difficulté ? Le manque d’appui de la hiérarchie n’ouvre que très peu de portes ; partager avec des subordonnés représenterai un risque tant d’un point de vue déontologique que d’autorité ; les conjoints sont de plus en plus fatigués d’entendre les complaintes lors du dîner. La solitude du manager l’oblige trop souvent à intérioriser la difficulté, voire la souffrance, jusqu’à ce que ça pète !
Une reconnaissance limitée
Malgré cette solitude, la pression continue : par le management par objectifs de performance (atteindre tel taux de croissance sur le mois, produire des services renforcés avec une diminution de l’effectif…) ne laisse pas le temps de s’épancher ! La réussite devient normale et « l’échec » répréhensible !
La véritable problématique
Disons-le clairement, face à toutes ces difficultés, ce n’est pas possible de tenir sereinement un rôle de manager ! Nous sommes au cœur d’une vraie problématique : la dépersonnalisation du manager ! Il devient un rouage impersonnel d’une mécanique dans laquelle il manipule lui-même l’intangible : garantir des objectifs, élaborer des tableaux de chiffres, s’adapter aux changements permanents liés au « concours » des autres services… En fait, le manager passe plus de temps à monitorer des indicateurs qu’à conduire son équipe. La dépersonnalisation agit autant sur le manager que sur son équipe ! Comment peuvent-ils gérer un conflit, une intégration, une initiation ? Logiquement, le véritable champ d’action d’un manager, c’est la personne ! Or le système les rend de plus en plus des super opérateurs de chiffres, ne prenant le temps que de parler du chrono et de la performance : « fais, agis ! ». Mais il n’y a plus de temps pour l’aide pédagogique, explicative, technique sur l’apprentissage, la performance, la collaboration… Certes certaines de ces questions sont traitées par les services RH, RSE ou formation… Et là on remonte à la complexité structurelles (voir premier paragraphe), la boucle est bouclée !
L’un des plus grands méfaits de la dépersonnalisation, c’est le mépris : en cas de problème, le manager est remplaçable à volonté ! Même si ce sujet n’est pas drôle (il est même dramatique) une petite histoire illustre bien cette réalité : Un manager a été licencié et il passe le relai à son successeur. Avant de quitter définitivement son bureau, l’ancien manager s’adresse fraternellement au nouveau en lui disant : « Pour t’aider dans cette mission, je me suis permis de te préparer trois enveloppes ; à chaque fois que tu seras dans le doute, la crainte d’un échec, ouvre une enveloppe ». Evidemment, et malheureusement, la situation difficile ne tarde pas à arriver et le nouveau manager se décide à ouvrir la première enveloppe et découvre un conseil : « Mets tout sur le dos de ton prédécesseur ! ». Plus tard, devant une autre impasse, il découvre le conseil de la deuxième enveloppe « Mets tout sur le dos du contexte ! ». Arrive une fin de mois aux résultats moins efficients qu’attendus, il faut trouver une solution et la troisième enveloppe peut offrir une solution… Il l’ouvre et découvre « Prépare 3 enveloppes…) Cette comptine ressemble tellement à la réalité.
Le grand paradoxe
Alors qu’elle se sait en danger par la lutte des marchés, l’internationalisation et l’importance incontournable de l’innovation, le système de l’entreprise continue à se replier sur le passé (afin de mieux se protéger) au lieu de tenter la créativité, le renouveau.
Le management par les pressions de toute part et avec la peur continue… (« Si ce système ne vous convient pas, vous savez où est la porte ! »). Et les travaux proposés en matière d’ergonomie des fauteuils, d’aménagement de salle de pause… demeurent encore trop souvent l’arbre qui cache la forêt.
Mais ce système va devoir évoluer : les générations nouvelles n’ont plus le même rapport social avec travail. Les jeunes cadres ne voudront pas être placés dans un couloir de contraintes, sans marge de manœuvre. Il suffit pour s’en convaincre de voir combien les jeunes diplômés sont de plus en plus attirés par la création de leur propre start up plutôt que par l’aspiration impersonnelle dans un grand groupe.
Il est temps de réintégrer la dimension personnelle.
Vous vous posez des questions sur le sens
de votre mission en entreprise ?
N’attendez pas qu’il soit trop tard !
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