Qu’est-ce que le burn out ?
Faire reconnaître le burn-out comme une maladie professionnelle, c’est le souhait de Benoît Hamon et de 80 autres députés signataires d’une proposition de loi déposée [le 17 février 2016]. Co-auteur de « Mon Travail me tue », Jacqueline Remy a recueilli les histoires de dizaines de salariés victime de ce syndrome d’épuisement professionnel. Un témoignage passionnant.
C’est le nouveau mal du siècle.
Plus de 3,2 millions de Français sont exposés à un risque élevé de burn-out, selon une étude du cabinet des préventions du risque au travail Technologia. A force de courir après la rentabilité, de subir trop de pression, des hommes et des femmes s’épuisent chaque jour un peu plus et finissent par s’effondrer.
Actuellement, ce syndrome d’épuisement n’est pas reconnu comme une maladie professionnelle. Mais les choses avancent. Après une première tentative l’année dernière lors de l’adoption de la Loi pour le dialogue social, le député socialiste Benoît Hamon, soutenu par 80 députés, dépose ce 17 février une nouvelle proposition de loi pour que ce mal figure dans la liste des maladies professionnelles. L’enjeu : que les entreprises soient obligées de payer les frais liés à la prise en charge du burn-out. En espérant que cela les responsabilise et qu’elles mettent tout en œuvre dans leur organisation pour prévenir ce mal.
Pour cerner davantage les mécanismes de ce syndrome qui peut broyer des vies, Jacqueline Remy, ancienne rédactrice en chef à l’Express et co-auteure avec Emmanuelle Anizon de « Mon travail me tue » (ed Flammarion), nous donne son éclairage qui s’appuie sur des dizaines de témoignages.
A quoi reconnaît-on le burn-out ?
Jacqueline Remy : C’est un mot qui est à la mode, et que l’on utilise un peu à tort et à travers pour se plaindre quand on est fatigué. Or le burn-out est un mal violent, destructeur et pernicieux dont les victimes mettent du temps à se relever. Il y a des signes avant-coureurs, comme les crises d’angoisse, les vertiges… Un jour le corps lâche et elles sont incapables d’aller travailler. Certaines vont même jusqu’à se suicider.
Le paradoxe c’est que le phénomène est sous-estimé car les personnes qui en sont frappées ne veulent pas que cela se sache. Lors de notre enquête, nous avons récolté de nombreux témoignages. Beaucoup de personnes nous ont demandé l’anonymat ou ont finalement renoncé à raconter leur histoire. Dans notre société qui privilégie la course à la performance, ces personnes ont honte de cette faiblesse, elles craignent qu’on les trouve fragile psychologiquement.
Avez-vous vous identifié ce qui mène à un burn-out ? Certaines personnes sont-elles plus exposées ?
J.R. : Il n’y a pas un, mais une multitude de ressorts. On peut subir de fortes pression car l’entreprise se restructure, avoir un chef harceleur, des collègues toxiques, se voir fixer des objectifs inatteignables. J’ai l’exemple d’un directeur d’agence qu’on appelait à 9 heures pour lui dire qu’à 11 heures, il devait avoir vendu 10 assurances-vie. Les victimes de burn-out peuvent aussi bien exercer une profession libérales, être chef d’entreprise ou employé.
Les profils les plus exposés sont ceux qui sont consciencieux, impliqués et qui ne se protègent pas en prenant de la distance : si on leur dit que cela ne va pas, ils vont travailler deux fois plus. Au final, leur seule fragilité est d’avoir un manque de confiance en eux. Ces personnes ont besoin d’une reconnaissance. On leur a bien souvent promis une promotion pour laquelle ils se sont énormément investis et qui n’est jamais venue.
Comment ces victimes d’épuisement professionnel font-elles pour remonter la pente ?
J.R : Il faut à tout prix prendre ses distances avec le milieu du travail. Quand ces personnes sont en dehors du boulot, elles se portent tout de suite mieux, surtout que très souvent elles sont heureuses dans leur vie privée. Beaucoup sont allées voir leur médecin traitant, mais il est rarement bien armé face à ce phénomène, qu’il soigne comme une dépression. Or beaucoup de témoins nous ont dit que les antidépresseurs ne servaient à rien.
Selon les histoires, certaines ont fait appel à des coachs, ont été suivies par un psychiatre, se sont mises au sport ou encore sont allées voir des avocats. S’il y a eu harcèlement ou licenciement abusif, faire un procès peut être salvateur car défendre ses droits aide à la reconstruction. Il faut en tout cas savoir que le processus de guérison est long. Certaines personnes ont mis 4 ans pour reprendre une activité professionnelle. Et d’autres haïssent leur profession, et développe une phobie autour de ce qui représentait leur ancienne activité.
Le burn out fait-il changer la vision qu’on a du travail et de l’entreprise ?
J.R : Une fois le choc passé, les victimes se rendent compte que cela ne valait pas la peine de travailler autant. Elles se disent que ce qui compte, c’est d’être en accord avec ce que l’on est. Elles réévaluent leur rapport à l’argent, au pouvoir, au paraître.
Les plus heureuses sont celles qui ont finalement changé de vie. Un assureur, qui a passé un CAP de peintre en bâtiment, m’a expliqué son bonheur d’entrer dans une maison en mauvais état et d’en ressortir une fois qu’elle était retapée. Un ancien patron de PME a fait le choix de devenir photographe. Ceux qui ont plus de mal ce sont ceux qui reprennent le même boulot, mais en revanche ils changent les règles, en devenant indépendant par exemple.
Article de Coralie Cathelinais – BFM Business
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