Pourquoi s’excuser ?
Pour beaucoup, présenter ses excuses revient à perdre la face ou écorner son ego. Est-ce pourtant une mission impossible dans le cadre pro ? Met-on pour autant son autorité en danger ? S’excuser auprès d’un collaborateur peut avoir de réelles vertus. L’art et la manière de le faire en toute simplicité.
Humaniser la relation
Accrochage avec un collaborateur, situation inextricable où chacun se rejette la responsabilité, mauvaise communication qui conduit au blocage d’un projet… Malgré tous les conseils en management, en communication, en psychologie, force est de constater qu’on n’est pas toujours le manager idéal décrit dans les ouvrages de développement personnel et de coaching… et que l’on commettre aussi des erreurs. Pas question alors de se culpabiliser à outrance ou au contraire de maquiller ses torts.
Ces dernières années, avec des leitmotiv du management tels que l’influence, le charisme, le leadership ou l’assertivité, cela paraît laisser peu de place à la reconnaissance de ses erreurs et à l’excuse. Or l’excuse rassure l’ensemble des collaborateurs : pour eux, le chef n’est pas infaillible ou tout au moins il ne se prend pas pour un surhomme.
Au contraire, le réflexe courant de se couvrir en invoquant un planning chargé, des réunions improvisées ou un problème de procédures internes, ne convainc jamais réellement un collaborateur. Au final, les managers sont un peu perdus dans ces situations et ne savent plus quoi faire.
Renforcer la confiance
Malgré ces préjugés, reconnaître ses torts et l’exprimer sous forme d’excuses permet plutôt d’accroître la confiance et le respect mutuel au sein d’une équipe. Lorsqu’un manager se risque à présenter des excuses, cela force le respect, car tout un chacun sait dans sa vie personnelle que cette démarche demande une bonne dose de courage et de confiance en soi et en l’autre.
Et que cette démarche émane du manager renforce la valeur d’exemplarité. Il n’y a rien de pire qu’encourager son équipe à maquiller ses erreurs et à rejeter la faute sur les autres. Il est important de bannir les faux-semblants. Aujourd’hui, le besoin des équipes est de revenir à des choses simples. L’humilité, l’honnêteté et la sincérité doivent fonder les relations de travail.
L’excuse pour sortir d’une impasse
Dans le cadre de projets transversaux qui impliquent un certain nombre de collaborateurs, la situation devient parfois complètement inextricable : chacun des intervenants se rejette la faute, argumente sur les causes du retard du projet, ce qui n’aide cependant pas à avancer. Dans une situation dialectique, le manager peut être tenté de transférer la responsabilité de la situation sur son collaborateur, ce qui serait dommageable pour la relation.
Il prend sur lui la responsabilité de la situation de manière à désamorcer le conflit et faire en sorte que toute l’équipe ne reste pas campée sur la défensive. Une attitude qui montre également qu’il assume aussi pleinement sa responsabilité de chef de projet. Le manager doit bien conserver à l’esprit que son rôle consiste avant tout à assurer la bonne marche de l’équipe.
Dans le cas d’une situation conflictuelle avec un collaborateur difficile, contrairement à ce que l’on peut s’imaginer, l’excuse peut aider. Il n’existe pas beaucoup de collaborateurs foncièrement manipulateurs et négatifs. Or, ce peut être justement une attitude qu’un collaborateur adopte face à manager qui ne veut jamais reconnaître ses erreurs.
L’excuse comme un signal personnel
Vous piquez une grosse colère contre un collaborateur, vos mots dépassent votre pensée… Vous avez franchi les limites et vous êtes en situation de vous excuser. Même si vous faites ce qu’il faut pour rattraper la situation et tenter de faire oublier cet épisode à votre équipe, il est important de ne pas minimiser cette situation à vos propres yeux. C’est à considérer comme un signal, un symptôme. Cela indique qu’il y a manquement dans son management, dans sa gestion d’équipe. Il est donc recommandé de réfléchir personnellement à la question et de se remettre en cause. De façon à comprendre pourquoi on en est arrivé là et corriger le tir.
La meilleure manière de présenter ses excuses consiste à le faire de la façon la plus informelle possible. On a mis en avant un haut niveau d’exigence, un formatage, une pensée artificielle. Le maître mot consiste donc à rester simple et naturel. Mais pour autant, mieux vaut préparer ce que l’on va dire – et pourquoi pas l’écrire – pour être sûr de ne pas s’embrouiller.
Choisir le bon moment
Quand on est sorti de ses gonds, mieux vaut ne pas tenter de s’excuser à chaud, sous l’impulsion du moment. Il est préférable de se laisser un peu de temps, éventuellement sortir se calmer au grand air, boire un verre d’eau. De façon à rationaliser les choses. Cela permet ensuite de demander à son collaborateur de se voir dans un bureau, au calme.
Les mots à employer
Attention, simple rappel, le « je m’excuse » n’est pas français ! Soit on « présente ses excuses », soit on « prie d’être pardonné », mais une faute de grammaire en préambule serait d’un très mauvais effet. On peut aussi tout simplement opter pour un « je suis vraiment désolé » ou « je suis vraiment navré », peut-être plus faciles à dire. Mais ce n’est pas vraiment dans le lexique employé que se joue le plus important : c’est plus dans la façon dont on va parler du problème.
Il faut mettre les mots sur son manquement, son erreur. Et pour cela, il faut rester factuel et le présenter comme un constat : « Je suis désolé. Tu as essayé de me parler, tu m’as aussi envoyé des mails, mais c’est vrai, je ne t’ai pas écouté, je n’ai pas saisi l’urgence, alors que j’aurais dû me rendre disponible ». Il faut donc privilégier des phrases simples et faire court.
Relancer l’action
Le risque en termes de position hiérarchique consiste à entrer dans de la justification. Aussi, pour éviter cet écueil, il ne faut pas s’attarder sur l’excuse à proprement dite et se remettre tout de suite dans une dynamique d’action. Le manager est celui qui donne l’ordre de marche. Il faut donc qu’il explique comment pallier le problème, se remettre dans l’action, se projeter dans l’avenir.
Si l’excuse peut permettre de rétablir des relations de travail dans des situations parfois complexes, elle ne peut cependant pas tout réparer. Les mots prononcés, un projet qui fait un flop, un client perdu, un retard pris… On aura beau faire, les excuses ne rattraperont pas l’erreur, le manquement. Il ne faut donc pas trop compter sur la formulation d’excuses comme sur un outil de management au quotidien.
Par ailleurs, bien que l’excuse ait de nombreuses vertus, il ne faut tout de même pas aller jusqu’à l’associer à une forme de management participatif et l’instituer comme de l’auto-critique servant de base à un débat en groupe. Il faut toujours être vigilant par rapports aux effets de groupe et agir en fonction du climat social. Présenter des excuses devant toute une équipe expose clairement le manager. Si un collaborateur a de l’influence, il n’hésitera pas à en profiter pour déstabiliser le manager, en lançant une blague, une remarque, un ricanement à la cantonade. Ce qui aura pour effet de placer le manager en position justificative. A utiliser avec modération donc.
Que faire lorsque l’on s’est laissé aller à s’énerver contre un collaborateur devant tout un service ? La règle d’or reste toujours la même : cela doit se régler en tête à tête avec la personne. Le manager peut ensuite compter sur le fait que les collègues lui demandent ce qui s’est dit. De toutes façons tout le monde peut voir qu’il y a discussion et qu’au final tout s’arrange. Sans que le manager n’ait besoin de trop en faire.
Un article JDN – Solveig Jammes