Faire face aux manipulateurs
Influencer les autres est un challenge difficile, et c’est ce qui explique pourquoi il est intéressant de comprendre les principes psychologiques attenant au processus d’influence, afin de parvenir à contrer un manipulateur.
Comment contrer un manipulateur ?
Dans cet article, examinez ces principes, et voyez comment vous pouvez les appliquer pour influencer et convaincre les autres. En connaissant ces principes, vous serez plus résistant aux personnes qui essayeront, eux aussi, de les utiliser pour vous manipuler. Comprendre, ce n’est pas abuser… Maitriser les manipulateurs ne nécessite pas de le devenir !
1. Nous sommes facilement influencés par l’autorité et également par les symboles d’autorité.
Nous sommes formés, dès notre naissance, à obéir aux autorités. Nous obéissons souvent même sans y réfléchir. Stanley Milgram l’a démontré par l’expérience des bénévoles qui administreraient ce qu’ils pensaient être des chocs électriques, potentiellement mortels, à d’autres individus simplement parce qu’une figure d’autorité leur avait demandé de le faire.
Si nous n’avons aucune preuve fiable de l’autorité d’une personne, nous avons alors tendance à nous référer aux symboles simples pour déterminer cette autorité. Les titres de presse, par exemple, sont des symboles très puissants. Face à un professeur, non seulement nous devenons plus respectueux et acceptons son opinion, mais nous avons également tendance à le voir comme physiquement plus grand ! Les vêtements et les accessoires sont aussi des symboles d’autorité. Par exemple, dans l’expérience de Milgram, c’est la blouse blanche et le cahier de notes de la figure d‘autorité qui a convaincu les participants à « torturer » leur semblable.
2. Les choses et informations interdites sont considérées comme plus désirables.
Lorsqu’une chose est censurée ou interdite, elle nous apparait comme étant plus désirable. Les parents observent souvent ce phénomène auprès de leurs enfants rebelles : un jouet sera beaucoup plus attrayant si l’enfant a expressément reçu l’interdiction de jouer avec. Cela s’observe également dans le monde des adultes et surtout en ce qui concerne la censure. Les informations interdites sont forcément considérées comme plus précieuses que les informations librement disponibles.
3. La technique de « réjection-ensuite-retraite » est une tactique sournoise, car elle implique la réciprocité et le principe de contraste.
Tout comme nous sentons le besoin de rendre la pareille, de même, nous nous sentons obligés de faire des concessions lors de négociations. Si un scout vous propose d’abord d’acheter un billet de tombola à cinq euros, mais qu’il semble ensuite faire marche arrière et vous propose d’acheter seulement un bonbon à un euro, vous serrez susceptibles d’acheter le bonbon en signe de concession même si vous ne mangez pas de sucrerie.
Cette stratégie est connue sous le nom de « rejet-ensuite-retraite ». Elle est incroyablement puissante pour gagner le respect. En plus de notre besoin de réciprocité, elle évoque également le principe de contraste : lorsque deux éléments nous sont présentés l’un après l’autre, la différence du second par rapport au premier est agrandie. Dans l’exemple du scout, l’offre du bonbon semble disproportionnée et bon marché par rapport au cinq euros du billet de tombola.
4. Lorsque des occasions se font rares, nous avons tendance à les vouloir plus intensément.
Une puissante cause d’influence dans nos prises de décision est la rareté : les opportunités sont jugées comme plus précieuses si leur disponibilité est limitée. C’est la conséquence du fait que nous ne supportons pas de passer à côté d’opportunités qui paraissent avantageuses. Ce phénomène est bien connu des annonceurs. Ils utilisent des slogans comme par exemple « Pour un temps limité seulement ! » « Dernière chance ! » « La vente se termine dans deux jours ! » Une étude a démontré que lorsque les participants ont été informés d’une vente limitée dans le temps sur un morceau de viande, ils en achetaient trois fois plus que s’il n’y avait aucune limite de temps. C’est aussi pour cette raison que les sites de ventes en ligne s’emploient à indiquer le reste de leurs articles disponibles…
L’effet de rareté devient une puissante force d’influence sous deux conditions :
- Nous avons plus tendance à vouloir quelque chose si sa disponibilité a diminué récemment plutôt que si elle a toujours été faible. Voilà pourquoi les révolutions ont tendance à se produire lorsque les conditions de vie se détériorent fortement plutôt que quand ces conditions sont constamment mauvaises.
- Deuxièmement, la compétition nous a toujours enivrés. Que ce soit lors de ventes aux enchères, de romans ou lors de transactions immobilières, la pensée de perdre quelque chose à l’avantage d’un rival nous tourne souvent la tête et nous fait faire de l’excès de zèle.
Voilà pourquoi les agents immobiliers mentionnent souvent aux acheteurs que plusieurs autres personnes sont également intéressées par la même propriété, que ce soit vrai ou non. Pour contrer notre envie qui découle de l’effet de rareté, nous devrions toujours nous demander si nous voulons l’article en question en raison de son utilité, par exemple son goût, ou de sa fonction, ou simplement à cause d’un désir irrationnel de le posséder. Lorsque l’effet de rareté est utilisé contre nous, la réponse est souvent celle du désir irrationnel.
5. Les humains ont un besoin irrésistible de rendre la pareille — un donné pour un rendu.
La loi de réciprocité stipule que nous nous sentons le devoir de rembourser les autres en nature pour tout service qu’ils nous rendent. Cette tendance constitue le fondement de toutes les sociétés. Elle a permis à nos ancêtres de partager des ressources en sachant qu’on leur rendrait la pareille plus tard. Si quelqu’un nous rend service, mais que nous ne faisons rien en retour, nous sentons un fardeau psychologique peser sur nos épaules. Ceci est en partie vrai parce que, vivant en société, nous sommes dédaigneux de ceux qui ne nous rendent pas la pareille. Plusieurs expériences ont démontré que nous avons un tel besoin de nous débarrasser de ce fardeau que nous sommes souvent prêts à rendre en échange une faveur beaucoup plus grande.
L’organisation Krishna, par exemple, utilise cette tactique avec un grand succès quand ces bénévoles offrent des fleurs aux passants dans la rue. Bien que généralement contrariés, les gens font souvent un don à l’organisation, afin de satisfaire leur besoin de réciprocité en échange de la fleur. Pour lutter contre ces tentatives à tirer parti de la règle de réciprocité, vous ne pouvez évidemment pas rejeter toute demande où vous serez rapidement étiqueté comme ermite grincheux. Identifier plutôt les offres pour ce qu’elles sont vraiment. S’il s’agit d’une vraie demande de faveurs ou une tactique de manipulation abusive. Alors, seulement rendez la faveur.
6. Nous sommes obnubilés à rester et paraître cohérent dans nos paroles et nos actes.
Quand nous sommes témoins, sur une plage, du vol d’une serviette voisine, seulement 20 % d’entre nous réagissent ; mais si le propriétaire de la serviette demande d’abord aux gens s’ils peuvent surveiller leurs affaires ou objets, alors 95 % d’entre nous deviennent des quasi-justiciers, traquons le voleur et saisissons avec force l’objet. Mais qu’est-ce qui dicte cette posture ? La réponse est simple : l’engagement. Des recherches montrent qu’une fois que nous nous engageons avec des mots ou des actions à faire quelque chose, nous tenons à rester cohérents. Nous modifions même parfois notre propre comportement. Lors de la guerre de Corée par exemple, les interrogateurs chinois ont obtenu la collaboration des prisonniers américains en leur demandant de faire de très petites concessions telles que l’écriture et la signature de déclarations anodines comme « L’Amérique n’est pas parfaite ». Lorsque ces déclarations ont été lues dans le camp de la prison, le prisonnier a souvent été qualifié de « collaborateur » par ses compatriotes. Étonnamment, le prisonnier a alors commencé à se voir comme un collaborateur, et par conséquent, il est devenu de plus en plus utile pour les Chinois. L’engagement par écrit a également été un élément important dans ce processus : il y a quelque chose d’incroyablement puissant dans les mots écrits et signés par nous-mêmes.
7. Choisir de se battre pour une chose génère un changement intérieur.
Des tribus d’Afrique jusqu’aux fraternités des collèges, quand un nouveau membre veut faire partie du groupe, les rituels d’initiation impliquent généralement la douleur et de l’humiliation, et parfois même peuvent entraîner la mort. Les tentatives visant à freiner ces pratiques brutales font toujours face à une résistance tenace. Pourquoi ? Tout simplement, parce que si nous passons par beaucoup de difficultés pour atteindre quelque chose, nous avons tendance à plus valoriser cette chose. L’effort accompli nous rend plus engagés dans le groupe. Les professionnels de la vente essaient souvent de générer en nous un tel changement. Par exemple, un concessionnaire automobile pourrait faire une offre de vente étonnamment basse sur une voiture que vous voulez acheter immédiatement. Le concessionnaire sait bien que, lors de l’essai sur route, nous allons inconsciemment développer plusieurs autres raisons d’acheter la voiture en plus du prix. Par exemple, la consommation, la couleur, etc. À la dernière minute, le concessionnaire vous informe que la première offre est rétractée en raison d’une «erreur de banque» et vous expose un prix plus élevé. Habituellement, on finit par acheter la voiture à cause de ce fameux changement intérieur : les raisons qui nous sont venues durant l’essai sur route.
8. En cas de doute, nous avons tendance à rechercher une preuve sociale.
Le principe de preuve sociale implique que nous déterminons souvent ce que nous devons faire en regardant ce que les autres font. Cette tactique est utilisée pour nous manipuler, par exemple, lorsque les émissions de télévision utilisent le rire artificiel pour rendre les passages comiques plus drôles. La preuve sociale est particulièrement importante quand l’incertitude règne. Quand nous sommes incertains, nous cherchons à voir ce que font les autres. Compte tenu de ces faits, si vous vous trouvez dans une situation d’urgence au milieu d’une foule, vous devriez isoler une personne de la foule pour lui demander de l’aide. De cette façon, la personne ne sera pas tentée à chercher conseils auprès des autres et sera presque certainement de bons conseils.
9. Observer les gens qui nous sont semblables peut grandement influencer nos choix.
Nous imitons souvent les autres dans nos choix. Cette tendance est encore plus forte lorsque la personne observée est semblable à nous. Ceci est la raison pour laquelle les agences de marketing utilisent souvent des publicités mettant en vedette des «gens ordinaires de la rue » pour promouvoir des produits. Nous avons tendance à penser que ces personnes nous sont semblables et par conséquent leur approbation est un puissant indicateur que le produit doit est vraiment bon.
Notre tendance à imiter les autres est également la cause d’une statistique plutôt sombre : après le suicide d’une personne très médiatisé, le nombre de personnes qui décèdent lors d’un accident de voiture augmente de façon spectaculaire dans les jours suivants. Il semble qu’après la lecture d’un suicide dans les médias, certaines personnes décident de mettre fin à vie pour émuler la victime. Malheureusement, ce ne sont pas des personnes à tendance suicidaire : les recherches ont montré que chaque article qui mentionne un suicide en première page tue en moyenne 58 personnes qui auraient autrement continué à vivre. Ce comportement est connu sous le nom de l’effet Werther, nommé d’après un livre du 18ème siècle qui a déclenché une vague de suicides à travers l’Europe, apparemment suite par émulation avec le protagoniste. Cet effet semble être plus fort sur les personnes semblables à la personne dont le suicide a été rendu public.
10. Nous nous conformons aux gens que nous aimons, et il est parfois facile pour eux de nous faire faire ce qu’ils veulent.
Nous sommes généralement plus conciliants avec les personnes que nous aimons. Les professionnels de la vente savent quels sont les facteurs qui nous font apprécier une personne. Un de ces facteurs est l’attrait physique. Il crée un effet de halo qui fait que nous avons tendance à voir les personnes attrayantes comme intelligentes, gentilles et honnêtes. Nous sommes également influencés par les flatteries. Voilà pourquoi certains vendeurs nous complimentent et tentent de créer un lien émotionnel avec nous : « Voilà une belle cravate, le bleu est ma couleur préférée ».
Les choses que nous associons aux personnes jouent un rôle important pour l’appréciation de cette personne. Certains présentateurs météo, par exemple, reçoivent des menaces de mort lorsqu’ils prédisent du mauvais temps tout simplement parce qu’ils y sont associés. Mais si nous entendons parler de quelque chose tout en prenant un excellent repas, nous avons tendance à associer la chose en question avec les sentiments positifs induits par la nourriture. Pour nous protéger et contrer un manipulateur, nous devons nous demander si nous en sommes venus à aimer quelqu’un ou quelque chose de manière inhabituelle et en peu de temps. Si c’est le cas alors cela pourrait être dû à une certaine forme de manipulation.
11. Les raccourcis mentaux que nous faisons lors de nos prises de décisions peuvent être utilisés contre nous.
Les complexités de la vie nous obligent à devoir faire constamment des raccourcis mentaux afin de prendre des décisions. Nous devons apprendre à identifier et à nous défendre pour contrer un manipulateur, les soi-disant professionnels de la vente comme certains escrocs qui peuvent nous tromper en utilisant ces raccourcis contre nos propres intérêts. Ils le font habituellement pour nous amener à nous conformer à leurs exigences, par exemple pour acheter un produit. Un des raccourcis les plus communs est celui du «prix qui reflète la qualité » : nous avons tendance à penser qu’en général, les articles coûteux sont de meilleure qualité que ceux à bas prix. Ce qui n’est pas toujours le cas.
Nous avons tendance à utiliser des raccourcis mentaux pour faire face à certaines situations où nous avons à prendre des décisions. Des personnes comme certains vendeurs et les escrocs profitent de ces réponses préprogrammées. Étant donné que nous ne pouvons pas nous empêcher d’utiliser ces raccourcis, nous devons être conscients de ces techniques et apprendre à nous défendre pour contrer un manipulateur qui pourrait s’en servir contre nous.